La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Gros Plan

F(l)ammes

F(l)ammes - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
© François-Louis Athénas Anissa Kaki dans F(l)ammes.

Reprise / Théâtre de la Tempête / conception et mes Ahmed Madani

Publié le 23 novembre 2017 - N° 260

Fruit de deux ans d’ateliers dans différentes villes de région parisienne, F(l)ammes est le pendant féminin de Illumination(s). Un large succès, qui met en scène dix jeunes femmes rencontrées dans des villes de banlieue.

Pour Ludivine Bah, la cité est une forêt. Soit un espace ambivalent, dont les obstacles développent les facultés d’adaptation du marcheur. La jeune femme se qualifie d’ailleurs de caméléon : capable de citer Claude-Lévy Strauss comme de refaire le monde avec les amis du « quartier », elle donne le ton de F(l)ammes. Forte d’un succès considérable, la pièce d’Ahmed Madani créée l’an dernier met en scène dix jeunes femmes rencontrées dans plusieurs villes de banlieue parisienne. Dix non professionnelles, qui se livrent avec talent à un récit polyphonique composé de bribes de vies complexes, loin des stéréotypes. Le dispositif est simple. Devant un écran où sont projetées des vidéos oniriques réalisées par Nicolas Clauss, dix chaises accueillent les interprètes. Malgré un long travail d’écriture à partir des témoignages recueillis, Ahmed Madani parvient à donner à F(l)ammes la simplicité de la parole spontanée. Tâche délicate, les récits de Ludivine et des autres touchant pour la plupart à l’intime. Alors que les neuf garçons de la Cité du Val-Fourré disaient dans Illumination(s) leur rapport à l’Histoire – à la guerre d’Algérie notamment – et leur vision du politique, les dix filles de ce nouveau spectacle n’hésitent pas en effet à livrer des bribes de leur histoire personnelle. Agrémentées sans doute d’une part de fiction.

Autofictions singulières

On pense à Afropéennes d’Eva Doumbia, adaptation de textes de Léonora Miano où des jeunes femmes nées de parents africains et caribéens racontent leurs amours, leurs rêves et leur sentiment d’entre-deux. F(l)ammes contribue avec élégance à l’émergence récente d’une parole afropéenne féminine sur les scènes françaises. Très performatifs, entrecoupés de quelques moments de danse collective, les monologues qui se succèdent ont beau avoir chacun leur singularité, ils sont traversés par une même urgence à sortir de l’ombre. Par une énergie et un humour d’autant plus touchants qu’ils ne visent jamais à la séduction mais à la recherche d’une place au sein de la société française. Chose hélas beaucoup moins naturelle qu’elle devrait l’être. Chacune a pour cela sa stratégie : l’une s’habille en lolita japonaise, une autre pratique le karaté à haut niveau… Toujours dans une conscience aiguë des enjeux de chaque geste. Si certains fragments s’agencent bizarrement – en fin de spectacle, un témoignage sur l’excision donne par exemple lieu à une étrange parenthèse –, l’ensemble est d’une belle finesse. Militante, mais avant tout humaine.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

F(l)ammes
du jeudi 16 novembre 2017 au dimanche 17 décembre 2017
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche le 7 décembre. Tél : 01 43 28 36 36. Durée : 1h45.

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