La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2015 - Entretien Ahmed Madani

Fille du Paradis

Fille du Paradis - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Théâtre Girasole
Légende : Ahmed Madani CR : François-Louis Athénas

Théâtre GiraSole / d’après Putain de Nelly Arcan / mes Ahmed Madani

Publié le 26 juin 2015 - N° 234

Après avoir éclairé le festival 2013 de ses Illuminations, Ahmed Madani met en scène Fille du Paradis, adapté d’un roman de Nelly Arcan, solo sur le corps de la femme dans la société occidentale, interprété par Véronique Sacri.

Quel est le roman à la base de votre pièce   ?

Ahmed Madani : C’est Putain, premier récit de Nelly Arcan, alias Isabelle Fortier.Cette jeune fille québécoise était en analyse mais n’arrivait pas à dire un mot, alors son analyste lui a proposé d’écrire. C’est ce qu’elle a fait et ce qui a été à la naissance de ce texte publié au Seuil en 2002. Dans Putain, Cynthia, double de l’auteure, raconte la violence faite aux femmes et à leur corps dans la société occidentale.

« La violence faite aux femmes et à leur corps dans la société occidentale. »

Pourquoi ce titre, Putain  ?

A.M.  : Nelly Arcan a été escort girl pendant ses études. A son sujet, Nancy Huston parle d’« un cerveau de philosophe dans un corps de prostituée ». L’écriture est puissante et montre comment la femme soumet son corps aux canons de la société occidentale, du simple maquillage aux interventions de chirurgie esthétique, mais aussi comment une civilisation masculine lui dicte sa loi. Plus tard, Arcan parlera à ce propos d’une «  burqa de chair  ».

Ce texte est-il une autofiction ?

A.M.  : Absolument. La narratrice y évoque son parcours familial et son expérience de la prostitution. Nelly Arcan s’est suicidée quelques années plus tard. C’était une jeune femme nihiliste et révoltée. Le texte est passionnant dans sa manière de traiter des questions de sexualité, du désir des femmes et des hommes, de l’image du corps de la femme dans notre société mais aussi des rapports sociaux en jeu.

Comment avez-vous travaillé l’adaptation ?

A.M.  : Nous nous sommes peu intéressés aux clients que décrit la narratrice, et nous sommes centrés sur les questions politiques, philosophiques et sociales qu’elle aborde. Le traitement scénique est très sobre et suit tous les mouvements de l’âme de la narratrice. Son parcours est celui d’une passion, au sens religieux du terme. Le texte est assez cru au début, si bien que le spectacle est déconseillé aux moins de seize ans. Le sujet, c’est plus la putasserie, comme le disait Nelly Arcan, que la putain.

Comment ce texte s’inscrit-il dans votre travail sur la jeunesse des quartiers populaires  ?

A.M.  : Ce spectacle est une reprise, je l’avais créé en 2011 au terme d’un cycle sur la question féminine. Après le volet masculin de mon cycle sur les quartiers, je prépare maintenant le volet féminin. J’en ai engagé l’écriture, j’ai rencontré des jeunes femmes et il est évident que la question du rapport aux désirs et regards masculins est centrale dans leur vie. Ces jeunes femmes sont confrontées à la question de la dissimulation du corps. Comme lever de rideau sur ce volet, je trouvais intéressant d’aborder à l’inverse la question de l’exhibition des corps, qui travaille aussi notre société.

 

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

Fille du Paradis
du samedi 4 juillet 2015 au dimanche 26 juillet 2015
Théâtre Girasole
25 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon, France

Avignon Off

à 14h10, relâche le 19. Tél : 04 90 89 82 63 / 04 90 82 74 42. 

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