La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Feu pour feu

Feu pour feu - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Crédit : Guendalina Flamini Légende : Fatima Soualhia-Manet dans Feu pour feu.

Théâtre de Belleville / de Carole Zalberg / mes Gerardo Maffei

Publié le 24 avril 2017 - N° 254

Récit d’un exil et d’une intégration ratée, Feu pour feu (2014) de Carole Zalberg dit l’échec de la politique migratoire européenne. Gerardo Maffei s’en saisit pour poursuivre son travail sur la dégradation spectaculaire de la culture, sans parvenir à éviter les lieux communs.

Comment montrer sur scène la traversée, alors que les images de naufrages saturent l’espace médiatique ? Depuis deux ans environ, la question agite le paysage théâtral français et donne lieu à des réponses variées. Souvent à la croisée des genres et des disciplines. Avec Feu pour feu, Gerardo Maffei ne déroge pas à ce traitement hybride du sujet. Il se distingue toutefois par le type de mélange proposé. Alors que se multiplient les propositions à mi-chemin entre témoignage et performance dans la lignée de 82 avenue Victor Hugo (2015) d’Olivier Coulon-Jablonka, interprété par huit membres d’un collectif d’immigrés d’Aubervilliers, le metteur en scène italien opte pour une fiction sombre et onirique. Dans un décor de conte de fées qui a mal tourné, à l’inspiration mi-gothique mi Beat Generation, la comédienne Fatima Soualhia-Manet semble s’être trompée de porte sinon d’adresse. Monologue d’un homme – interprété ici par une femme – ayant fui sa terre avec son enfant au lendemain d’un massacre, le court roman de Carole Zalberg à l’écriture nerveuse et imagée a en effet beau n’être pas situé dans un lieu précis, il est ancré dans un contexte plutôt réaliste. Par cet étonnant décalage, Gerardo Maffei entendait porter un « mythe contemporain », une « histoire  »archétype » de notre génération ». Promesse peut-être trop séduisante pour être tenue.

Debord à bâbord

Faute de parvenir à lier de manière convaincante le texte à l’élégant écrin conçu par Marta Pasquetti et Federica Buffoli, Gerardo Maffei se perd dans une critique aux accents situationnistes. Tandis que, perchée sur une carcasse de lit métallique montée sur des pieds géants, la comédienne déroule avec emphase le récit de l’exilé, des images psychédéliques apparaissent régulièrement sur le mur du fond. Gros plan sur un cornet de glace dégoulinant, série de zooms sur un hamburger, organisme végétal ou cellulaire en pleine prolifération… Le/la protagoniste de Feu pour feu est autant dévoré par les produits du « Continent Blanc » capitaliste que par les souvenirs des morts laissés derrière lui. Par la culpabilité aussi d’avoir engendré une fille qui, quinze ans après cette fuite, a causé la mort de plusieurs personnes en incendiant quelques boîtes aux lettres. Gerardo Maffei poursuit donc avec cette pièce sa réflexion menée dans sa Trilogie de la Consommation sur ce qu’il nomme la « post-démocratie autoritaire, gérée par les lois du marché » et la société du spectacle. Le propos est clair. Trop clair, malgré une cacophonie faite d’enregistrements de la voix de l’enfant criminel et de musiques rock et techno. Et le drame, lui, s’efface derrière une pensée qui ne date pas d’hier.

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Feu pour feu
du mercredi 19 avril 2017 au dimanche 9 juillet 2017
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris

Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris. Jusqu'au 9 juillet 2017, du mercredi au samedi à 19h15, le dimanche à 20h30. Tel : 01 48 06 72 34.

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