La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Femme non-rééducable

Femme non-rééducable - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Atelier
Légende : Anne Alvaro et Régis Royer dans Femme non-rééducable. Crédit Photo : Pascal Victor

Critique Théâtre de l’Atelier / de Stefano Massini / mes Arnaud Meunier

Publié le 17 mars 2014 - N° 218

Créé au Théâtre de la Commune, en février dernier, Femme non-rééducable de Stefano Massini est repris au Théâtre de l’Atelier. Arnaud Meunier signe un moment de théâtre d’une grande vitalité et d’une grande exigence.  

On se souvient de la comédienne Mireille Perrier, il y a quelques années, dans une version monologuée* de Femme non-rééducable. Aujourd’hui, sous la direction du metteur en scène (et directeur de la Comédie de Saint-Etienne) Arnaud Meunier, la pièce** de l’auteur italien Stefano Massini prend corps à travers l’expression de deux voix : celles d’Anne Alvaro et de Régis Royer, accompagnées au violon par le compositeur Régis Huby. C’est, ainsi, une tout autre vision de ce Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa qui s’offre à nous aujourd’hui. Une vision très travaillée esthétiquement qui — si elle choisit de s’écarter du portrait sensible pour prendre la forme plus distanciée, moins romantique, d’un reportage journalistique — n’en est pas moins impressionnante. « Dramaturgie du témoignage », dit Arnaud Meunier à propos de l’écriture de celui dont il a mis en scène une autre pièce, en début de saison***. Une dramaturgie libre, sans dialogue, sans carcan psychologique, composée à partir de paroles et d’écrits de la journaliste russe assassinée le 7 octobre 2006, à Moscou, le jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine.

Une femme ordinaire, avec « deux yeux et un stylo »

Avant sa fin brutale, Anna Politkovskaïa a passé plusieurs années à s’opposer au pouvoir russe en rendant compte, avec pugnacité et indépendance, de la réalité du conflit tchétchène. Au sein d’un bel espace conçu par le scénographe et créateur de lumières Nicolas Marie (une boîte noire qui se transforme et se réinvente tout au long de la représentation — s’ouvrant et se fermant de diverses manières, passant alternativement de la lueur à l’obscurité, jouant d’effets de transparence), Anne Alvaro et Régis Royer se font les passeurs de cette réalité de guerre. Tour à tour narrateurs et protagonistes, ils donnent à réentendre les témoignages et les dénonciations qui ont coûté la vie à la journaliste. Tous deux sont remarquables de densité. De sobriété. De vie. Car la mise en scène tout en finesse d’Arnaud Meunier n’a rien d’une célébration funèbre. Elle ne cherche pas à sanctifier une figure d’héroïne, mais à perpétuer l’acuité d’une parole, d’une pensée, d’un engagement en faveur de la vérité et de la liberté. Cette version de Femme non-rééducable évite ainsi les dérives du pathos, du lyrisme facile. Et engendre une proposition de théâtre d’une exigence revigorante.

* La Terrasse n° 167, avril 2009.

** Femme non-rééducable est édité chez L’Arche Editeur, dans une traduction de Pietro Pizzuti.

*** Chapitres de la chute, cf. La Terrasse n° 213, octobre 2013.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Femme non-rééducable
du jeudi 13 mars 2014 au mercredi 28 mai 2014
Théâtre de l’Atelier
1 Place Charles Dullin, 75018 Paris, France

Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 17h. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com

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