La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Esquif

Esquif - Critique sortie Théâtre Elbeuf Cirque-Théâtre d'Elbeuf
Esquif, création hybride. Crédit : Francis Rodor

Cirque-Théâtre d'Elbeuf et autres lieux / Surnatural Orchestra, Cirque Inextrémiste et Cie Basinga

Publié le 22 novembre 2016 - N° 249

Créé lors de la dernière édition de Village de cirque à Paris, Esquif est né de la rencontre entre un orchestre et deux compagnies de cirque. Avec une belle énergie, ce spectacle hybride interroge la fragilité de l’équilibre et de l’improvisation. La possibilité d’inventer et de rire sur les débris du présent.

Avec une simple planche en équilibre sur deux bouteilles de gaz, le Cirque Inextrémiste installe d’emblée dans Esquif son univers post-industriel. Sa poésie aux matériaux bruts, aux muscles tendus et aux risques multiples, aisément identifiable dans le paysage du cirque actuel. Debout sur cette installation précaire, le musicien Hanno Baumfelde introduit le spectacle par une petite conférence. Très vite, il s’embourbe dans des réflexions sur les rapports entre public et artistes et finit par prendre le public à parti. Mi-sérieuse mi-clownesque, cette introduction pose avec subtilité la nature du rapport qui unit dans ce spectacle le Surnatural Orchestra et le Cirque Inextrémiste : un dialogue dans lequel chaque discipline puise les conditions d’un renouveau. D’un bouleversement ludique de ses bases, contre la répétition et l’enfermement. Sans intervenir directement dans cet échange, la fildefériste Tatiana-Mosio Bongonga de la Compagnie Basinga en incarne la grâce et la légèreté. Choses d’autant plus précieuses que dans cet Esquif, pas moins de vingt-et-un artistes croisent leurs talents. Leurs cuivres, leurs percussions et leurs acrobaties. En une succession de tableaux de bric et de broc, ce big band d’un genre singulier a l’énergie d’un discours amoureux. Tantôt sensuelle tantôt explosive.

Le jazz et le geste

Le Surnatural Orchestra n’est pas novice en matière de collaboration avec des circassiens. Depuis sa rencontre avec la Cie Les Colporteurs en 2009, qui a donné lieu à l’album Sans tête, l’orchestre au passé fanfare travaille régulièrement avec des artistes du cirque. Notamment dans le projet La Toile, où il invite des circassiens à partager son univers mêlant jazz, musique populaire et de grand orchestre. La saison dernière, ces temps brefs et festifs avaient donné lieu à une première forme longue présentée au Nouveau Théâtre de Montreuil, rassemblant déjà tous les interprètes de Esquif. Avec le tractopelle de Extension, la pièce phare de la compagnie de cirque, cette création était plus la réunion de deux pratiques préexistantes que leur fusion en un tout. Esquif est donc le résultat d’un travail au long cours. Les musiciens ne se contentent pas d’y risquer la fausse note. Fièrement dressés sur des bouteilles de gaz et sur des planches, ils participent aux numéros de leurs compagnons de plateau sans prétendre à leur technicité. En formant un choeur volontiers absurde de résistants à la dépression causée par l’effondrement des grandes utopies et l’industrialisation. Esquif est une utopie raisonnable mais néanmoins vivifiante. Celle d’un échange créatif sur les ruines du présent.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Esquif
du samedi 3 décembre 2016 au dimanche 11 décembre 2016
Cirque-Théâtre d'Elbeuf
Elbeuf, France

Tel : 02 32 13 10 50. Également du 6 au 15 janvier 2017 à l'Espace cirque d'Antony. Le 16 mars à la Scène nationale de Dieppe.

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