La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

En attendant Godot

En attendant Godot - Critique sortie Théâtre Paris Essaïon
En attendant Godot, dans une mise en scène de Jean-Claude Sachot. Crédit : Benoist Brione

Essaïon / de Samuel Beckett / mes Jean-Claude Sachot

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Bientôt 65 ans qu’En attendant Godot questionne notre condition d’êtres humains. Sur la petite scène de l’Essaïon, le metteur en scène Jean-Claude Sachot replace la pièce la plus jouée de Samuel Beckett dans les conditions de sa création, en 1953, au Théâtre de Babylone.

C’était en 1953. Le soir du 23 janvier. Au fond de la cour du 38 boulevard Raspail, dans le 7ème arrondissement de Paris. Sur le plateau (quatre mètres par six) du petit Théâtre de Babylone, le metteur en scène Roger Blin créait En attendant Godot*, œuvre d’un auteur alors strictement confidentiel. Aujourd’hui, c’est au sein d’un espace tout aussi exigu (le plateau de la Salle Théâtre de l’Essaïon fait un peu moins de cinq mètres sur cinq) que Jean-Claude Sachot reprend sa mise en scène du texte de Samuel Beckett, deux ans après l’avoir créée au Théâtre du Nord Ouest (le spectacle avait une première fois été repris, en décembre 2014, au Théâtre de La Girandole). « Rien à faire », lance le comédien Philippe Catoire (Estragon) au commencement de cette drôle de réflexion sur la condition humaine. « Je commence à le croire », lui répond Dominique Ratonnat (Vladimir), « j’ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir soit raisonnable, tu n’as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. » Revoilà donc les deux compagnons de route d’En attendant Godot, chapeaux melons sur la tête, costumes décatis sur le dos qui leur confèrent des airs de vieux artistes de music-hall.

Faire exister l’invisible

Ils vadrouillent sur les routes d’un monde qu’ils interrogent, jour après jour, réplique après réplique, de leur existence singulière. En attendant qu’un certain Godot fasse son apparition et mette fin, du moins c’est ce que l’on imagine, au cours de leur errance. Qui est ce mystérieux personnage tardant à honorer son rendez-vous ? Nous n’en savons rien. De même, nous ne savons pas grand-chose de l’entente qui semble le lier à ces vagabonds. Et guère plus de Pozzo (Jean-Jacques Nervest) ou de Lucky (Guillaume Van’t Hoff, en alternance avec Vincent Violette), deux êtres loufoques qui croisent leur chemin (le rôle du Garçon, messager de Godot, est pris en charge par une marionnette réalisée par Nadine Delannoy). S’inspirant sans doute de l’intérêt que portait l’auteur aux comiques burlesques, la mise en scène de Jean-Claude Sachot multiplie les adresses au public. Elle frôle par endroits, lors des apparitions de Lucky et Pozzo, les passages en force. Les interprètes de Vladimir et Estragon jouent davantage de nuances et de ruptures. Ils permettent ainsi à la représentation d’atteindre quelques beaux moments de densité. C’est à travers eux que parviennent à s’exprimer les hors-champs métaphysiques que nécessite le théâtre de Beckett. Un théâtre de l’humain qui, à la faveur de telles ouvertures, fait exister l’invisible.

Manuel Piolat Soleymat

* Texte publié aux Editions de Minuit.

A propos de l'événement

En attendant Godot
du jeudi 17 mars 2016 au samedi 4 juin 2016
Essaïon
6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris, France

Du jeudi au samedi à 21h30. Durée de la représentation : 1h50. Tél. : 01 42 78 46 42. www.essaion.com

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