La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Elle brûle

Elle brûle - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de la Colline.
L’inquiétant réalisme d’Elle brûle CR : Elisabeth Carecchio

La Colline / de Mariette Navarro/ mes Caroline Guiela Nguyen

Publié le 26 novembre 2013 - N° 215

Une famille d’aujourd’hui qui plonge dans un drame sans âge : bienvenue dans le néo-réalisme théâtral concocté par la compagnie des Hommes approximatifs. Elle brûle ou un spectacle flamboyant de promesses.

On comprend pourquoi Caroline Guiela Nguyen, metteure en scène de la compagnie des Hommes approximatifs, tient à ce que reste secret ce qui constitue pourtant un ressort essentiel de son spectacle. En effet, la pièce, créée à la comédie de Valence, ménage longtemps une forme de suspens, et n’hésite pas à verser du réalisme dans le fantastique pour pimenter la narration. Ce penchant pour des ingrédients un peu artificiels – les visions hallucinées d’une poupée masquée, d’étranges messages déposés sur le répondeur téléphonique – et une écriture qui peine parfois à s’envoler dans les moments d’acmé constituent à notre avis les deux petites faiblesses d’un spectacle qui par ailleurs vaut largement le détour. Nous ne révèlerons donc pas ce que le spectateur comprend petit à petit, basculant du plaisir de voir se mettre en place les pièces du puzzle narratif à celui de découvrir tous les jeux référentiels qui le sous-tendent.

Un style véritablement singulier

Essentiel, ce jeu référentiel l’est d’autant plus qu’il légitime tout le travail scénique mis en place par la compagnie, en grande partie tourné vers la production d’effets de réel. Sur le plateau, un intérieur soigné d’une maison ordinaire, un intérieur qui aurait traversé les siècles, avec ses côtés kitsch, ses pots de fleurs et sa salle à manger bas de gamme. Une vieille femme, la mère de Charles, débonnaire devenue neurasthénique ; Charles ;  un homme à tout faire, taiseux ; la fille de Charles, qui fait venir son professeur particulier, échangent. Une petite musique en sourdine derrière eux. Elle vient de la chambre aux pans translucides qui en s’ouvrant révèlent le corps allongé et resplendissant d’Emma, morte sur son lit. Il faut alors reconstruire le passé, savoir comment on en est arrivé là. C’est donc presque la même scène qui va se jouer et se rejouer dans le cadre étroit de cette maisonnette et de ce long flash-back. Autour du petit-déjeuner, de la table qu’il faut ranger, de la fille qu’il faut emmener à l’école, avant de partir au travail, comme dans la vie, les jours se suivent et se ressemblent en effet, jusqu’à ce qu’éclate le drame. Le travail minutieux, composé d’écriture de plateau et d’un réalisme poussé jusqu’aux borborygmes de la machine à café, produit un théâtre aux confins du réel et du cauchemar, porté par des comédiens excellents. Avec Elle Brûle, la compagnie signe un spectacle d’autant plus prometteur qu’il affirme un style véritablement singulier, qui rapproche le théâtre du cinéma et dans sa théâtralité fait parfois penser à Joël Pommerat.

Eric Demey

A propos de l'événement

Elle brûle
du vendredi 15 novembre 2013 au samedi 14 décembre 2013
Théâtre national de la Colline.
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris.

Jusqu’au 14 décembre, du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 2h15.
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