La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 Entretien Christophe Rauck

Directeur de CDN : un projet politique et artistique

Directeur de CDN : un projet politique et artistique - Critique sortie Avignon / 2013
Légende : « Christophe Rauck, metteur en scène et directeur du Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis. »

Publié le 26 juin 2013 - N° 211

Fort de son expérience en Seine-Saint-Denis, le metteur en scène Christophe Rauck juge que les financements des théâtres par l’État sont plus qu’utiles, ils sont  salutaires. Les Centres Dramatiques Nationaux, dirigés par des artistes, s’avèrent être de très bons outils de création et d’élargissement des publics. 

« Une programmation dite du sixième arrondissement peut s’accomplir à Saint-Denis, l’un n’est pas plus légitime que l’autre pour afficher des œuvres de qualité. »

Quel est le rôle de l’Etat dans la politique culturelle de la France ?

Christophe Rauck : L’État est le garant de la politique culturelle et les financements croisés assurent la survie des théâtres de création. Les solutions idéales ne peuvent venir ni de l’Entreprise ni du Mécénat. A travers le régime de l’intermittence, l’Etat a su donner une place aux artistes dans la société, c’est un acte très fort et c’est un droit qui permet aux artistes de faire vivre la culture. Le maillage du territoire par les lieux culturels est aussi un acquis qui définit l’exception culturelle française.  Les centres dramatiques sont l’héritage d’une histoire et d’un engagement qui ont obtenu droit de cité. L’implication de l’Etat est nécessaire, et lorsque l’Etat abandonne certaines zones, cela se voit et les conséquences sont terribles. Par ailleurs, le monde du spectacle vivant n’est pas dépensier ! Avec très peu d’augmentation, notre théâtre est parvenu à réduire la dette, retrouver des fonds propres et de la marge artistique.

Comment avez-vous appréhendé la direction du Centre Dramatique de Saint-Denis, où vous êtes arrivé en 2008 ?

C. R. :  Diriger le Théâtre Gérard Philipe m’a beaucoup changé, m’a permis de regarder mon métier autrement et d’explorer un répertoire que je n’aurais pas envisagé sans cela. Les créations que j’ai bâties sont directement reliées au projet de direction, et c’est cette mission qui a permis à  l’artistique de se déployer. L’artistique et le politique sont intimement liés, et c’est pour cette raison que ça a du sens qu’un metteur en scène dirige ces maisons.  Je ne me considère pas du tout comme mon propre artiste associé, il ne s’agit pas de décrocher une tirelire mais d’inscrire un projet dans un lieu et un territoire. Pour ne citer qu’eux, Jean-Louis Martinelli à Nanterre-Amandiers ou Olivier Py à au Théâtre de l’Odéon ont impulsé une incroyable énergie dans leur direction et leur gestion. Au théâtre Gérard Philipe, qui a été récemment rénové, 50% de notre public est originaire de Seine-Saint-Denis, 35 % vient de Paris et 15% d’Ile-de-France et province. La diversité des publics est  possible grâce à l’outil que constitue le Centre Dramatique, qui permet à la créativité de s’épanouir dans une temporalité spécifique. Des créations à la fois exigeantes et ambitieuses ont vu le jour : Les Serments indiscrets de Marivaux, Marie Stuart de Schiller, Jules César de Shakespeare en anglais, dernièrement un opéra de Monteverdi, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, etc. Le succès a été au rendez-vous ! Une programmation dite du sixième arrondissement peut s’accomplir à Saint-Denis, l’un n’est pas plus légitime que l’autre pour afficher des œuvres de qualité.  Elitaires pour tous et non pas hérmétiques pour chacun, les propositions que l’on a faites ont rencontré le public. Je projette de monter Phèdre de Racine.

Etes-vous inquiet pour l’avenir des CDN ?  

C. R. :  Oui, certains mettent en question la légitimité des artistes à diriger les CDN. Et je crains que de grands pôles de production se mettent en place, avec plusieurs personnes sous le regard d’un seul,  et que des lieux soient regroupés sous couvert de coupes budgétaires. Cela réduirait considérablement la diversité et la complémentarité des projets artistiques. Le ministère de la Culture aujourd’hui vise au rajeunissement des équipes et à leur féminisation, cette féminisation est déjà en cours et c’est une bonne chose, mais s’arc-bouter sur ces objectifs risque de mettre l’accent sur des clivages générationnels ou autres alors que en commun des solutions et des idées peuvent être mises en œuvre.

 

Propos recueillis par Véronique Hotte et Agnès Santi

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