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Théâtre - Entretien

Deux ampoules sur cinq

Deux ampoules sur cinq - Critique sortie Théâtre Paris La Maison des Métallos
Isabelle Lafon (à droite) et Johanna Korthals Altes dans Deux Ampoules sur cinq. Crédit : Pascal Victor / ArtcomArt

Reprise / La Maison des métallos / d’après Notes sur Anna Akhmatova, de Lydia Tchoukovskaïa / mes Isabelle Lafon

Publié le 28 août 2015 - N° 235

S’inspirant librement des Notes sur Anna Akhmatova, de Lydia Tchoukovskaïa, Isabelle Lafon reprend Deux ampoules sur cinq, créé la saison dernière au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Une création (éclairée, par le public, avec des lampes de poche) qui vise au fragmentaire et à la fragilité… 

Quel est le fondement de la relation qui unissait Anna Akhmatova et Lydia Tchoukovskaïa ?

Isabelle Lafon : C’est la question qui se situe au cœur de mon projet. La poétesse Anna Akhmatova (ndlr, 1889-1966), qui était interdite de publication par le pouvoir soviétique, jouissait d’une immense célébrité. Lydia Tchoukovskaïa (ndlr, 1907-1996), elle-même femme de lettre et journaliste, lui vouait une grande admiration. Elle connaissait tous ses poèmes par cœur. Après s’être rencontrées en 1938, un lien très mystérieux s’est noué entre les deux femmes. Il ne s’agissait pas d’une simple amitié, mais de quelque chose d’indéfinissable, de très fort. Elles se voyaient pratiquement tous les jours. Lydia est peu à peu devenue la mémoire d’Anna, et s’est mise à retranscrire leurs entretiens dans des cahiers.

« Le tableau ne peut pas être parfaitC’est comme une esquisse au crayon. »

Anna Akhmatova était-elle au courant ?

I. L. : Oui. Je pense que toutes deux savaient qu’elles se parlaient pour la postérité. Et en même temps, leurs conversations traitaient de choses très intimes. Lydia Tchoukovskaïa dit que ses retranscriptions omettent l’essentiel. En effet ses notes ne nous transmettent que des bribes de leur relation, ce qui implique une pudeur qui m’intéresse beaucoup. Il y a donc des trous, dans mon spectacle. Et c’est peut-être ça que je trouve le plus émouvant : l’idée que parler est quelque chose d’essentiel – il ne faut pas oublier qu’à l’époque, en URSS, la parole était loin d’être libre – mais qu’on ne peut pas dire l’essentiel.

Est-ce ce que vous voulez expliquer lorsque vous déclarez qu’il ne s’agit pas d’un spectacle sur ces deux femmes, mais avec elles ?

I. L. : Exactement. Deux ampoules sur cinq n’a pas vocation à brosser un portrait réaliste d’Anna Akhmatova et de Lydia Tchoukovskaïa. C’est un spectacle qui doit être fragile, qui doit s’accommoder des manques dont j’ai parlé. Le tableau ne peut pas être parfait. C’est comme une esquisse au crayon.

Une esquisse éclairée par les spectateurs, avec des lampes de poche…

I. L. : Par eux, mais aussi par Johanna Korthals Altes et moi-même. C’est une façon de recréer les zones d’ombres qui planent sur le texte. On ne cache rien, mais des gros plans surgissent. Et une sorte de mystère s’installe. Chacun peut ainsi capter, de façon personnelle, intime, certaines choses qui émergent et d’autres qui restent dans l’ombre…

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Deux ampoules sur cinq
du mardi 15 septembre 2015 au dimanche 27 septembre 2015
La Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, France

du mardi au vendredi à 20h, samedi à 19h, dimanche à 16h. Tél : 01 47 00 25 20.

 

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