La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Désirer la différence

Désirer la différence - Critique sortie Théâtre Montreuil Théâtre Berthelot

Comédie de Saint-Etienne / L’apostrophe / Théâtre Berthelot / Théâtre de Fontainebleau / Nathan le Sage / de Gotthold Ephraïm Lessing / trad. François Rey / mes Bernard Bloch
Entretien Bernard Bloch

Publié le 21 décembre 2012 - N° 205

Bernard Bloch met en scène une pièce injustement méconnue en France, une œuvre phare du siècle des Lumières : Nathan le Sage (1779) de Gotthold Ephraïm Lessing, plaidoyer captivant pour la tolérance. 

Comment caractérisez-vous cette pièce emblématique du Siècle des Lumières  ?

Bernard Bloch : Cette pièce est une pure merveille, et son propos est hélas de plus en plus d’actualité dans notre époque de régression idéologique et d’intégrisme grandissant. Alors qu’elle est montée très souvent en Allemagne, elle demeure méconnue en France, où Bernard Sobel l’a créée dans une mise en scène lumineuse en 1987. La pièce se déroule en 1187 ou 1193, alors que Saladin a repris Jerusalem aux Croisés. Au centre de l’intrigue, Nathan le Sage, riche marchand juif, Saladin, dirigeant politique éclairé – le seul personnage historique de la pièce, fascinant ! -, et un Templier qui tombe amoureux de la fille de Nathan. L’intrigue à suspense suit de multiples péripéties et rebondissements, qui définissent la quête identitaire (préoccupation sans cesse invoquée aujourd’hui !) comme point de départ de construction de soi et non point d’arrivée. C’est une comédie philosophique trépidante, défendant l’homme contre le dogme, plaidant pour la tolérance au sens des Lumières, c’est-à-dire non pas une attitude condescendante d’une majorité envers une minorité, mais une véritable acceptation de l’autre, une recherche et un désir de la différence.

« Lessing remet la foi et la raison à leur juste place. »

Dans quel contexte la pièce a-t-elle été écrite ?

B. B. : Lessing, fils de pasteur et franc-maçon, a fait des études de théologie, puis a été attiré par le théâtre. Il a découvert dans la bibliothèque de Hambourg les écrits du théologien Reimarus, qui affirmait que les textes fondateurs, offerts à l’interprétation, ne sont pas à considérer littéralement mais métaphoriquement. Lessing s’est opposé sur ce point au pasteur Goetze, qui est parvenu à faire interdire toute publication de Lessing liée à leur polémique. Cette interdiction ne concernait pas les œuvres de fiction et les poèmes, et Lessing a écrit Nathan le Sage en réponse aux diatribes intégristes de Goetze. C’est pour cette raison qu’il a sous-titré son texte “poème dramatique“… Lessing remet la foi et la raison à leur juste place. Eliminer la rationalité de la foi conduit au refus de la différence, au fait de ne pas accepter que la foi est une chose personnelle, que personne ne peut imposer à personne.

Comment avez-vous construit votre mise en scène ?

B. B. : Pour élaborer la dramaturgie, je me suis fondé sur Le Colloque de Cordoue, colloque qui a eu lieu en 1992, autour de Maïmonide, Averroès et Saint Thomas d’Aquin, réunissant des psychanalystes, philosophes, théologiens et historiens, qui ont mené une réflexion sur notre tourment commun à tous – religieux ou athées -, sur notre finitude. A partir de là, chaque famille de pensée est légitimée à construire sa propre spiritualité. J’ai voulu que les huit acteurs de la distribution soient un fragment d’humanité, de générations, d’origines et d’accents différents, – entre 22 et 76 ans. Et les costumes traversent toutes les époques, depuis le XIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. La scénographie figure une place publique, entourée de rideaux verts. Au centre un faux-semblant de trou laisse voir le trou du questionnement, du vide, du manque. Ce manque est pour moi lié à une spiritualité laïque, il est fondateur de l’envie de vivre et de l’angoisse de vivre. La pièce crée un terrain d’écoute…

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Nathan le Sage
du mardi 8 janvier 2013 au samedi 2 février 2013
Théâtre Berthelot
6 Rue Marcellin Berthelot 93100 Montreuil

Comédie de Saint-Etienne, du 8 au 10 janvier à 20h. Tél : 04 77 25 14 14.  L’apostrophe à Cergy-Pontoise, les 18 et 19 janvier à 20h30. Tél : 01 34 20 14 14. Théâtre Berthelot à Montreuil, du 22 au 26 janvier à 20h, le 27 à 15h30. Tél : 01 41 72 10 35. Théâtre de Fontainebleau, les 1er et 2 février à 20h30. Tél : 01 64 22 26 91.
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