La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Journal à quatre mains

Journal à quatre mains - Critique sortie Théâtre
Du champagne festif pour les sœurs Groult (Aude Briant et Lisa Schuster) à la Libération. Photo : Lot

Publié le 10 octobre 2009

Jouant avec l’invention de lettres prétendument adressées l’une à l’autre, Flora et Benoîte Groult font retour sur leur jeunesse parisienne bousculée par l’Histoire. Un tableau d’époque stimulant servi par les railleries subtiles d’Aude Briant et de Lisa Schuster.

Les années troubles de l’Occupation – de 1940 à 1945 – marquent les sœurs Flora et Benoîte Groult, de jeunes filles bourgeoises de la rue Vanneau qui respirent l’air familier des milieux artistiques et intellectuels parisiens ; elles deviendront d’ailleurs femmes de lettres. Avec les missives entrecroisées qu’elles auraient pu s’adresser, les complices ont composé un journal intime dont se saisissent aujourd’hui trois femmes tout aussi volontaires, la metteuse en scène Panchika Velez et les comédiennes Aude Briant et Lisa Schuster. C’est que la charge incisive contre la prééminence des mâles est au goût du jour quand on a l’esprit libre. Il est vrai qu’avant la rédaction de cette correspondance imaginée, les sœurs devenues adultes ont certainement lu Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Pour lors, la Seconde Guerre mondiale opprime les corps et les esprits : l’Occupation, la fuite à Concarneau puis, face à la Bretagne menacée, le retour dans la capitale avec la faim, les petits arrangements du marché noir, le couvre-feu et les disparitions d’amis juifs…

Rencontrer l’âme sœur et échanger son point de vue sur telle figure virile séduisante.
Au milieu de la tourmente, s’impose à ces demoiselles de quinze et vingt ans le souci de l’avenir ; l’une est plutôt artiste, légère et conventionnelle, c’est Flora à laquelle Lisa Schuster accorde grâce et allégresse. L’autre est pétillante et encline à la provocation, préparant ses partiels de grec et de latin, c’est Benoîte, rieuse et moqueuse, qui cherche à conquérir sa propre reconnaissance. Aude Briant cultive un air naturel à la Sagan qui convient au rôle à merveille. Au-delà des différences, une préoccupation est commune au duo : rencontrer l’âme sœur et échanger son point de vue sur telle figure virile séduisante. Ce sont les Américains à la Libération qui décrochent la palme d’or dans l’identification de l’homme véritable. Ils symbolisent une évidence musculaire naturelle que ne contrarient pas des prétentions intellectuelles qui seraient déplacées. Dans leur chambre concomitante, les confidentes s’amusent de la gent masculine avec verve et brio. Elles exercent leurs facultés d’analyse en témoignant, au-delà de la tragédie de la guerre, d’un immense amour de la vie et d’une grande tendresse à l’égard des héros choisis, aviateur anglais ou compagnon de la Résistance. Une mise en scène remuante et enjouée qui signe l’émancipation victorieuse de la femme.

Véronique Hotte


Le Journal à quatre mains

De Benoîte et Flora Groult, adaptation de Lisa Schuster, mise en scène de Panchika Velez, jusqu’au 31 octobre 2009, du mardi au samedi 21h, samedi 17h, dimanche 15h30 au Poche Montparnasse 75 bd du Montparnasse 75006 Paris Tél : 01 45 48 92 97

A propos de l'événement


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