La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 - Entretien Faustin Linyekula

Créer, dire et faire malgré tout

Créer, dire et faire malgré tout - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon Cloître des Célestins
photo: Faustin Linyekula © Agathe Poupeney

Drums and Digging / Cloître des Célestins / conception Faustin Linyekula

Publié le 27 juin 2013 - N° 211

Faustin Linyekula, entouré de six autres artistes congolais, réveille la parole et l’action face aux espoirs déçus.

« Si ce monde est toujours fait d’autant de larmes, que peut-on chanter encore ? »

Cela fait bientôt douze ans que vous êtes rentré en République Démocratique du Congo et que vous y développez, avec les Studios Kabako, d’importants projets pour les artistes. Que représente Drums and Digging dans ce parcours ?

Faustin Linyekula : Ce nouveau projet fait suite à un solo créé il y a deux ans, Le Cargo, pour lequel je me suis rendu à Obilo, le village de mon enfance, dans l’Est du Congo, à la recherche de mes premiers souvenirs de danse. Mais Hanabouton, le plus grand percussionniste du temps de mon enfance, est devenu prédicateur – ce qui signifie qu’il a, conformément aux règles de son église, cessé de jouer de la musique. Qu’est-ce qui pousse un musicien, un poète, à se taire ? Ce silence me renvoie à la situation de mon pays : si ce monde est toujours fait d’autant de larmes, que peut-on chanter encore ? Ne vaut-il pas mieux se taire ? Comment trouver les moyens de parler d’autre chose que de ce qui brûle ? Comment continuer d’avancer ? Pour Drums and Digging, toute l’équipe de création s’est rendue à Obilo, pour passer du temps avec ce poète. Approcher son silence. Voir s’il jouerait pour nous.

Ce petit village n’est pas le seul lieu où vous vous soyez rendus pour cette création…

F. L. : J’ai aussi posé la question aux membres de l’équipe : les lieux de leur enfance, les lieux du rêve, qu’en reste-t-il ? L’une des artistes, Véronique Aka Kwadeba, nous a alors parlé de Gdabolite, la ville créée par Mobutu. C’est un lieu qui dépasse la mémoire individuelle : la seule ville importante construite par un Zaïrois, la seule qui ne soit pas un héritage de la colonisation belge, signe aussi l’immense gâchis qu’a été le régime de Mobutu, plus occupé à transformer son village en lieu de pouvoir qu’à faire le bien d’un pays.

Vous vous demandiez s’il ne valait pas mieux, aujourd’hui, se taire. Quelle serait votre position au terme des voyages liés à ce processus de création ?

F . L. : Il y a des choses à dire. Dans ces voyages, au sein même de l’équipe, nous avons eu le besoin de se dire des choses, de les clarifier par la parole. Se taire, alors, serait une démission. L’enjeu est plutôt « comment dire », pour que cela nous donne la force de continuer, de rester debout. Mais au-delà de dire ou se taire, il y a la question « que faisons-nous ? ». Se taire peut aussi, alors, être le choix de l’action : cesser de parler des problèmes, et commencer à chercher, à notre échelle, des solutions à inventer.

 

Propos recueillis par Marie Chavanieux

A propos de l'événement

Drums and Digging
du mardi 9 juillet 2013 au mardi 16 juillet 2013
Cloître des Célestins
place des Corps-Saints, 84000 Avignon

Festival d'Avignon. Cloître des Célestins, place des Corps-Saints. Les 9, 10, 11, 12, 15 et 16 juillet à 22h, le 13 juillet à 22h10. Tél. 04 90 14 14 14
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