La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Constellations

Constellations - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Petit Saint-Martin

Théâtre du Petit Saint-Martin / de Nick Payne / traduction Elisabeth Angel-Perez et Manuel Piolat Soleymat / mes Marc Paquien

Publié le 22 février 2016 - N° 241

A l’affiche aussi aux Célestins à Lyon avec Les Fourberies de Scapin, qui déploie merveilleusement tout son sens comique et aussi une sorte de  poésie qui touche à l’essence du théâtre – avec Denis Lavant dans le rôle de Scapin -, Marc Paquien met en scène une pièce brillante d’un jeune auteur anglais, qui réinvente et répète à l’infini l’histoire d’un couple, unissant une physicienne et un apiculteur. La théorie des multivers appliquée à l’écriture !

Samuel Beckett, Martin Crimp, Caryl Churchill, peut-être prochainement Harold Pinter… Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans le théâtre anglais contemporain ?

Marc Paquien : Le théâtre de langue anglaise du vingtième siècle m’a toujours profondément intéressé. C’est un attachement que j’ai toujours eu, qui me vient aussi de mon goût pour une certaine littérature, pour certains poètes magnifiques. J’y trouve une audace de la forme et des idées qui m’a toujours séduit. Que l’on pense à la Winnie de Beckett, enfouie dans la terre jusqu’au cou ! Mais ce théâtre n’est pourtant jamais formel, et à mon sens c’est parce qu’il est avant tout dédié à l’art de l’acteur. Les auteurs anglais ont une capacité à parler de questions politiques, à s’emparer de débats de société, d’une manière vivante et ludique. C’est très impressionnant.

Nick Payne est encore méconnu en France. Qui est-il ? De quelle façon s’inscrit-il dans votre parcours théâtral ?

M. P. : J’ai découvert la pièce de Nick Payne lors de sa création à Londres, et j’ai immédiatement été surpris qu’un si jeune auteur soit déjà capable d’une telle maîtrise d’écriture, de tant d’invention et de profondeur. J’avais envie d’ouvrir mon travail à de nouveaux textes contemporains ; j’aime l’aller-retour entre les classiques et les auteurs d’aujourd’hui, c’est ainsi que le mot transmission prend tout son sens. Nick Payne, lui, choisit un sujet peu commun – la physique quantique – et il se trouve que ces questions autour du mystère de l’univers nous agitent. Plus le monde est en chaos, plus nous cherchons des explications au secret de notre existence.

« Une sorte d’éventail de tous les possibles d’une existence. »

Que raconte Constellations ? Quelles sont les spécificités de sa trame dramatique et de son écriture ?

M. P. La pièce nous décrit la rencontre étrange entre une physicienne et un apiculteur. C’est une histoire à la fois simple et profonde, autour des mystères de l’amour, de la danse des abeilles et des mécanismes de l’univers. Son originalité tient à sa composition qui s’inspire de la théorie scientifique des multivers, c’est-à-dire que chaque moment important de l’histoire de ces deux personnages donne lieu à diverses versions des mêmes scènes, qui se différencient par de subtiles variations. Une sorte d’éventail de tous les possibles d’une existence. C’est une manière de nous rappeler à quel point nous sommes multiples, à quel point nos vies sont riches de promesses. C’est aussi une comédie qui balance entre le drôle et le grave, donc au plus près de l’humain.

Quelle sorte de jeu théâtral nécessite une telle écriture ?

M. P. : Le défi principal de ma mise en scène est de ne pas faire de ces morceaux d’existences des sketchs d’humeurs, mais de trouver comment opérer ce glissement d’un univers à l’autre, et surtout comment rendre l’exigence de l’écriture. Car ce théâtre d’apparence quotidienne nécessite une grande tenue. Je travaille les textes contemporains avec la même précision que les classiques. Il fallait donc créer un couple plausible, capable de nous faire rêver, rire et pleurer (comme dans certaines comédies américaines, chez Billy Wilder par exemple), et il fallait deux acteurs capables de vérité absolue, car cette écriture ne triche pas, d’où le choix de Marie Gillain et Christophe Paou pour interpréter les deux personnages. Pour la scénographie, que j’ai moi-même conçue, j’ai imaginé un espace abstrait, une sorte de disque suspendu sur lequel évoluent les deux personnages. Ce thème du cercle, de la roue, du disque, est présent dès les premières traces de l’humanité. Il met en route l’énergie vitale, représente les cycles de l’univers. C’est ainsi que Marianne et Roland, les deux personnages, vont inventer leur histoire, la démultiplier, nous en offrir tous les replis et les possibles : à travers un mouvement sans fin ni commencement.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Constellations
du mardi 15 mars 2016 au dimanche 15 mai 2016
Théâtre du Petit Saint-Martin
17 Rue René Boulanger, 75010 Paris, France

du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 17h et 20h30. Tél : 01 42 08 00 32. Les Fourberies de Scapin, du 30 mars au 9 avril aux Célestins à Lyon. Tél : 04 72 77 40 00.

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