La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Chunky Charcoal

Chunky Charcoal - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
Chunky Charcoal écrit et interprété par Sébastien Barrier. © : Nicolas Joubard

Théâtre de la Colline / de Sébastien Barrier, Benoît Bonnemaison-Fitte et Nicolas Lafourest

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Après Savoir enfin qui nous buvons, le performeur conteur Sébastien Barrier présente Chunky Charcoal, qui met la parole à l’honneur.

Chunky Charcoal, c’est le nom de ces craies noires avec lesquelles Benoît Bonnemaison-Fitte écrit dans le dos de Sébastien Barrier. Sur un large panneau blanc, le graphiste reprend les mots du performeur au vol. En lignes, en colonnes, en blocs, en rhizomes, il les rassemble, les disperse, les éclate, déployant ainsi une vaste fresque murale, noir sur blanc, qui rappelle les graffitis de Basquiat. A ce simple exemple, on devine le caractère particulier du spectacle Chunky Charcoal. Sébastien Barrier vient du cirque. Il avait créé Ronan Tablantec, un personnage bonimenteur, qu’il a incarné plus de 600 fois (et dont il raconte drôlement la mort dans Chunky Charcoal). Ancien membre du GdRA, il s’est fait connaître aussi en 2013 avec Savoir enfin qui nous buvons, un spectacle fleuve – il durait environ sept heures – autour du vin et des vignerons. On l’imagine donc bien, Barrier a la parole abondante, le verbe prolifique, lyrique. Comme un torrent qu’il régule, comme si les mots lui préexistaient et qu’il ne faisait que les transmettre, Sébastien Barrier laisse ainsi jaillir de son grand corps microté des récits rapides et drus, qu’il ralentit parfois, et accompagne de la musique de Nicolas Lafourest à la guitare électrique, à la fois atmosphérique et rugueuse, jusqu’à en faire chanson. Dans son écriture, la parole est tour à tour légère et grave, comique, poétique, existentielle, émouvante, anecdotique…

Coq à l’âne et association d’idées

Puisqu’il s’agit de craies de charbon, tout commence à Calais, pas loin des mines, puis nous transporte en Bretagne, en banlieue parisienne, au gré des résidences et spectacles de Sébastien Barrier. C’est le coq à l’âne et l’association d’idées qui font rebondir d’un lieu à l’autre. Difficile de résumer ce qui ne constitue pas une histoire. Le tout est maillé de pertes et d’apparitions, comme celle du chat We-We, qui vient sur scène faire son petit numéro, étendu raide sur le dos. A travers ce flot ininterrompu, le spectateur se cherche des fils et se dessine une image de Sébastien Barrier, drôle, mélancolique, à la fois en distance et cherchant à faire communauté. Mais c’est la parole en elle-même qui devient surtout l’objet du spectacle. Comme les trois comparses de sombre vêtus, dont l’ombre danse sur le panneau blanc du fond, tout, jusqu’à l’homme, devient signe. Le sens se fait son, la parole devient l’unique réalité matérielle d’un monde habité par la perte. Barrier termine son spectacle avec Georges Perros, poète méconnu de sa région natale. Avec les Chunky Charcoals, outils quasi préhistoriques, s’est dessinée dans son dos une véritable fresque pariétale. Depuis toujours, les mots des autres nous constituent et forment l’essentiel de ce que nous laisserons.

Eric Demey

A propos de l'événement

Chunky Charcoal
du jeudi 5 janvier 2017 au samedi 28 janvier 2017
Théâtre de la Colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

du mercredi au samedi à 20h, mardi à 19h et dimanche à 16h. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 1h30.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre