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Théâtre - Entretien

Catherine Marnas, Lignes de faille

Catherine Marnas, Lignes de faille - Critique sortie Théâtre Bordeaux Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
Entretien Catherine Marnas Copyright : Pierre Grobois

Reprise / Région / D’après le roman de Nancy Huston / mes Catherine Marnas

Publié le 1 septembre 2014 - N° 223

Avec Lignes de faille, Catherine Marnas adapte un roman à succès de Nancy Huston, une saga familiale qui remonte le temps, de l’Amérique post 11 septembre à la guerre de 40. Une réflexion sur le Mal et la constitution des identités.

Pourquoi vous intéressez-vous à Nancy Huston ? 

Catherine Marnas : Nancy Huston est une auteure qui, comme beaucoup d’écrivains nord-américains, écrit des romans disons de facture classique. En même temps, elle fut élève de Barthes à la Sorbonne, et elle écrit des essais. Professeur de désespoir analyse par exemple la tendance au nihilisme de notre culture et tente de bâtir avec intelligence une philosophie de la confiance en la nature humaine qui intègre cette tradition. On retrouve dans son livre la qualité des narrations qui ne rechignent pas à faire appel à l’émotion tout en portant un regard analytique sur le monde et sur l’humain.

Que raconte Lignes de Faille ?

C. M. : C’est un roman qui a connu un succès de bouche à oreille et qui touche à l’intimité. Il raconte l’histoire d’une famille sur quatre générations, à partir, pour chaque période, du point de vue d’un enfant de 6 ans. De la parole d’un petit américain anorexique et islamophobe jusqu’à une petite fille adoptée par une famille de nazis. Le roman mêle donc le politique et l’intime, la petite et la grande Histoire pour construire une sorte d’enquête policière sur la manière dont se constituent les êtres humains et tenter d’approcher les sources du Mal.

Quelles sont ces sources ?

C. M. : Huston n’apporte aucune réponse manichéenne. Au contraire, elle souligne la complexité des humains, leur perméabilité aux événements qu’ils traversent et qui les constituent. Il n’existe pour elle aucune forme de déterminisme, ni de fatalité. Un jour, Nancy Huston a dit qu’on pourrait résumer ainsi ce roman : « c’est un texte qui raconte comment on acquiert un accent ». Elle veut dire par là que ce livre raconte comment chacun est marqué par les gens, les événements, et même les langues qu’il a rencontrés.

« Nancy Huston souligne la complexité des humains, leur perméabilité aux événements qu’ils traversent et qui les constituent.  »

Cette œuvre offre-t-elle une matière théâtrale ?

C. M. : Avec cette narration classique qui mêle émotion, intime et Histoire, je dirais qu’on est proche du théâtre de Wajdi Mouawad. L’alternance entre la narration et l’action se fait de manière très fluide à travers ce que j’appelle des arabesques. Et le roman possède dans son écriture une théâtralité naturelle. Nancy Huston est musicienne également et son phrasé s’en ressent. Enfin, en tant que romancière, elle se glisse dans la peau de ses personnages et propose ainsi une véritable écriture incarnée.

Comment avez-vous travaillé à cette adaptation ?

C. M. : Ce spectacle n’a été possible que parce qu’il s’inscrivait dans un projet de troupe. J’ai travaillé avec des acteurs permanents et d’autres que je connaissais très bien, ce qui permet d’avoir rapidement un langage commun et des rapports de confiance. Beaucoup de choses se passent autour d’une table de cuisine, une table perdue au milieu du vide, entourée de maquettes qui permettent par un jeu sur les échelles de figurer autant l’intime que l’universel. Le roman propose aussi une remontée dans le temps, et dans ce spectacle transgénérationnel, l’esthétique suit le même mouvement. On commence avec une scénographie high-tech, épurée et on remonte petit à petit vers quelque chose d’incarné et un théâtre plus poétique.

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement

Lignes de faille
du mercredi 8 octobre 2014 au jeudi 23 octobre 2014
Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
3 Place Pierre Renaudel, 33800 Bordeaux, France

à 19h30, le samedi à 18h, dimanche 19 à 16h, relâche les 12, 13, 20 et 21 octobre. Tél : 05 56 33 36 80.

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