La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

Benjamin Lévy

Benjamin Lévy - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 janvier 2010

Un chef sans concessions

Il vient de recevoir le prix Jeune Talent-Chef d’orchestre de l’ADAMI. Né en 1974, Benjamin Lévy affirme déjà une authentique personnalité musicale, que ce soit dans ses interprétations stylistiquement étudiées du répertoire classique, dans sa défense d’une musique française peu connue, dans sa manière d’insuffler un rythme irrésistible à l’opérette ou dans son franc-parler. Il se partage aujourd’hui entre l’Orchestre Pelléas qu’il a lui-même fondé et de nombreuses formations symphoniques, notamment cette saison l’Orchestre du Capitole de Toulouse, l’Orchestre de l’Opéra de Rouen ou encore l’Orchestre National de Lorraine. Depuis l’année dernière, il occupe par ailleurs le poste de chef assistant à l’Orchestre de la Radio d’Amsterdam.

 « On doit réussir à instaurer une relation de confiance et d’autorité avec les musiciens, sinon on ne peut rien faire »
 
Etre jeune et chef d’orchestre, est-ce un avantage ou un inconvénient ?
 
Benjamin Lévy : D’un côté, je sens qu’on est à la recherche de nouvelles têtes. Il y a une certaine avidité de chair fraîche ! Mais d’un autre, je constate des a priori un peu erronés. On me propose ainsi beaucoup de musique légère, alors même que je connais Pelléas et Mélisande sur le bout des doigts. Cela vient aussi du fait que le métier de chef est en France une discipline très sacralisée, où l’on exige beaucoup de connaissances théoriques.
 
Ce métier s’apprend-t-il ?
 
B.L. : Il y a tout d’abord ce qu’on apprend dans les écoles, qui est relativement restreint. Par exemple, avoir les bras en bas pour contrôler le tempo. Pour cette étape, j’ai été au CNSM de Paris et à l’Académie d’Aspen aux Etats-Unis. Il faut ensuite pratiquer, car il y a beaucoup de choses dont on se rend compte uniquement en les expérimentant. Mais surtout, ce qui est fondamental dans ce métier, c’est la psychologie. On doit réussir à instaurer une relation de confiance et d’autorité avec les musiciens, sinon on ne peut rien faire.
 
Quels ont été vos modèles de chefs ?
 
B.L. : Sur le plan du langage des mains et du corps, c’est Claudio Abbado qui m’a toujours fasciné. Quelle expressivité du geste ! En ce qui concerne l’intelligence dramaturgique, j’ai beaucoup appris en étant l’assistant de Marc Minkowski. Il sait vraiment imbriquer la musique dans le texte. Enfin, il était très intéressant de voir comment Peter Eötvös mène de manière méthodique et efficace son travail en répétition.
 
Les orchestres français ont la réputation d’être difficiles avec les chefs, en particulier les jeunes. Comment les domptez-vous ?
 
B.L. : Il faut argumenter. Par exemple, j’ai été récemment à l’Orchestre de Nancy pour un programme Mozart. Quand je demandais aux cordes de ne pas vibrer, je devais leur dire pourquoi. Bien sûr, un chef plus âgé, Frans Brüggen par exemple, ne serait peut-être pas obligé de se justifier autant. Pour moi, il y a aujourd’hui une grande maladie dans certains orchestres français. Je constate parfois un vrai manque d’implication des musiciens. Il faut que ça change, d’autant que ces orchestres coûtent très chers.
 
Quelle est aujourd’hui la place du chef d’orchestre à l’opéra ?
 
B.L. : C’est le metteur en scène de la musique. Je remarque que le monde de l’opéra s’est assaini. Les chanteurs sont de mieux en mieux formés. Je n’ai personnellement pas travaillé avec des divas capricieuses. Pour moi, il n’y a rien de plus passionnant que l’échange avec un metteur en scène. Actuellement, je travaille avec Laurent Pelly sur La Vie parisienne d’Offenbach et nous avons de vrais débats sur l’œuvre.
 
Où en est l’aventure de l’Orchestre Pelléas, que vous avez fondé en 2005 ?
 
B.L. : On est un peu dans une période de transition. J’ai de plus en plus de demandes comme chef invité dans différents orchestres, donc c’est parfois complexe en termes de planning. Mais nous continuons sur notre créneau, notamment la défense de la musique française des XIXème et XXème siècles. L’homogénéité générationnelle (tout le monde a autour de 30 ans) permet, outre l’amitié, un gain de temps stylistique. D’ailleurs, dans la charte de l’orchestre, il est même inscrit que l’on joue la musique du XVIIIème siècle sur instruments modernes, mais en étant historiquement informés.
 
Propos recueillis par Antoine Pecqueur


 
Mercredi 13 janvier à 19h à l’Opéra de Rouen. Œuvres de Mozart, Druschetzky, Campo. Avec l’Orchestre de l’Opéra de Rouen. Tél. 0810 811 116.
Les 4 et 5 mars au Théâtre musical de Besançon, les 7 et 9 mars à l’Opéra de Massy. Programme : Barbe Bleue d’Offenbach. Avec l’Orchestre Pelléas. Tél. 03 81 87 81 97 (Besançon) et 08 92 70 75 75 (Massy).
Dimanche 25 avril à 16h à l’Arsenal de Metz. Œuvres de Tchaïkovski, Poulenc, Moss et Stravinsky. Avec l’Orchestre National de Lorraine. Tél. 03 87 39 92 00.

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