Au Seuil de la vie

Avec sa compagnie du Passage, la metteuse en scène Hélène Darche défend des auteurs essentiels comme Stefan Zweig, Milena Jesenska, Franz Kafka ou Charlotte Delbo qui lui ont inspiré des spectacles exigeants. A l’Espace Saint-Martial, elle adapte et met en scène un film d’Ingmar Bergman réalisé en 1957, la même année que Les Fraises sauvages, sur un scénario d’Ulla Isaksson : Au seuil de la vie (Nara Livet). Œuvre de commande, le film reste aujourd’hui peu connu en dépit d’un prix de la mise en scène et d’un prix collectif d’interprétation à Cannes. Les thèmes chers à Bergman –  la vie, la mort, le couple et la famille – se retrouvent condensés dans un lieu qui ne permet pas de mentir : une maternité. C’est en effet dans la même chambre d’hôpital que trois femmes d’âges et de conditions sociales différentes partagent 24 heures de leur vie. L’une est sur le point d’accoucher, la deuxième sort d’une fausse couche tandis que la troisième se remet d’un avortement manqué.

Maternité et droits des femmes

Ce huis clos par excellence est l’occasion d’explorer une palette de sentiments, de l’euphorie au désespoir en passant par la curiosité et le dégoût, tant souffrances, névroses et frustrations habitent les protagonistes. C’est surtout l’occasion de parler de la place de la femme, du droit des femmes à disposer de leurs corps, ou de la relation à la maternité. A l’heure où les droits des femmes régressent ici ou là, ce rappel salutaire fait écho à la célèbre mise en garde de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Présenté à Avignon en 2015, le spectacle qui offre 4 beaux rôles de femmes revient avec une distribution en partie renouvelée, dans une mise en scène réaliste et épurée. Terriblement efficace.

Isabelle Stibbe