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Avignon / 2017 - Entretien / Satoshi Miyagi

Antigone

Antigone - Critique sortie Avignon / 2017 Avignon Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
Crédit : Ryota Atarashi Légende : Satoshi Miyagi

Cour d'honneur du Palais des papes / d'après Sophocle / mes Satoshi Miyagi

Publié le 25 juin 2017 - N° 256

En 2014, Satoshi Miyagi enchantait la Carrière de Boulbon avec sa mise en scène d’un épisode du Mahabharata. On le retrouve cette année dans la Cour d’honneur du Palais des papes pour l’ouverture du festival avec une adaptation d’Antigone de Sophocle. De l’Inde à la Grèce antique, le metteur en scène japonais poursuit sa traversée des mythes.

Ce n’est pas la première fois que vous abordez Antigone de Sophocle. En 2004 en effet, vous en présentiez une adaptation devant le Musée National d’Art Moderne de Tokyo. En quoi votre approche de cette tragédie a-t-elle évolué depuis ?

Satoshi Miyagi : La première fois que j’ai monté Antigone, mon rapport à la pensée de l’héroïne éponyme de Sophocle était plutôt contemplatif. Aujourd’hui, avec la montée de la haine et de l’esprit de ségrégation à travers le monde, j’y vois une actualité brûlante. La réponse à une urgence : faire barrage aux comportements basés sur la distinction entre amis et ennemis. Entre ceux qui sont du côté de Dieu et les autres, voués à brûler en Enfer.

Le Palais des papes a représenté l’autorité chrétienne. Vous êtes-vous saisi de ce symbole ?

S.M : C’est même une des raisons pour laquelle j’ai opté pour Antigone lorsqu’on m’a offert de jouer dans ce lieu. J’y ai vu une occasion passionnante de confronter ce que je connais de la pensée religieuse occidentale au bouddhisme japonais. Contrairement aux grandes religions monothéistes, ce dernier n’est pas basé sur des frontières nettes et définitives entre Bien et Mal. Tout comme la vertu, le vice est transitoire. En réclamant une tombe pour son frère Polynice, Antigone s’approche de cette vision de l’Homme. Si bien que les Japonais peuvent se reconnaître dans le texte de Sophocle. Avec cette pièce, je veux montrer qu’il existe en Asie d’autres façons de penser que celles qui déchirent le monde.

« Je veux montrer qu’il existe en Asie d’autres façons de penser que celles qui déchirent le monde. »

Dans votre Mahabharata, vous imaginiez un mélange original entre différentes formes de théâtre japonais. En particulier le nô et le kabuki. Est-ce aussi le cas dans Antigone ?

S.M : Tout à fait. Et c’est très naturel, notamment parce que ce qu’on appelle « ji-utaï » dans le nô japonais ressemble au choeur grec. La parole du « shité », nom du protagoniste de cette forme théâtrale, se partage peu à peu entre les « ji-utaï », au nombre de huit environ. J’ai voulu ainsi mettre en voix la parole collective de ceux qui dans Antigone ont pensé et senti la même chose que l’héroïne mais qui ne se sont pas exprimés. Pour la scénographie, je m’inspire du wayang kulit, théâtre d’ombre indonésien où le public est placé non du côté des ombres mais des flambeaux.

Le mur du Palais des papes sera-t-il ainsi au centre de votre spectacle ?

S.M : Davantage que sa taille, la particularité de la Cour d’honneur du Palais des papes réside pour moi dans son inclinaison. Plus de la moitié des spectateurs ayant devant les yeux le mur plus que la scène, j’ai décidé d’y projeter les ombres gigantesques des acteurs. Lesquels joueront eux-mêmes comme des ombres, avec des expressions du visage privées de sens. Cela afin d’exprimer la complexité des mécanismes de la tragédie grecque. Sa démesure.

 

 

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Antigone
du jeudi 6 juillet 2017 au mercredi 12 juillet 2017
Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
Place du Palais, 84000 Avignon, France

à 22H. Relâche le 9. Tel : 04 90 14 14 14. Durée estimée : 2h.

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