La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Alfredo Arias / Elle

Alfredo Arias / Elle - Critique sortie Théâtre Paris Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Alfredo Arias, pape de la scène ! Crédit : Gustavo Di Mario

Athénée Théâtre Louis-Jouvet / de Jean Genet / Alfredo Arias

Publié le 19 février 2018 - N° 263

« Elle » est le pape, dont Jean Genet sonde l’image absente. Alfredo Arias, familier de cet auteur dont il célèbre l’humour, interprète ce personnage et met en abyme la représentation.

« Rétablir la dérision et la vitalité du verbe de Genet. »

Non seulement vous connaissez l’œuvre de Genet, mais vous l’avez lui-même bien connu…

Alfredo Arias : Genet voulait faire un film, La Nuit venue, et cherchait des comédiens. Il a suivi mon travail à ce moment-là et a été tenté d’écrire pour la troupe TSE, mais sa santé et les événements politiques qui l’ont conduit ailleurs ont empêché ce projet. Reste que j’ai eu ainsi la possibilité de l’approcher et de m’imprégner de ses commentaires sur le théâtre. La manière dont il élaborait son film m’a permis de comprendre que l’humour était premier chez lui. Il s’amusait à raconter des anecdotes très proches de ce qu’on trouve dans Elle. Une fois, à Lourdes, un marchand l’avait conduit dans son arrière-boutique pour lui proposer des photos des Folies Bergère ! Une autre fois, alors qu’il portait un manteau de fourrure – comme c’était la mode à l’époque – un garçon de café nous avait accueillis avec un « Messieurs, dames ! ». Alors qu’il s’excusait, Genet avait répondu : « Oh non, allez au bout de vos idées ! » J’étais émerveillé par son humour qui désacralisait son ampleur poétique. C’est de ce point de vue que je considère son œuvre. Parfois, l’imaginaire de quelqu’un suffit à lui faire aborder l’œuvre d’un auteur, mais le hasard m’a donné la chance d’éviter de m’en contenter !

Que raconte Elle ?

A.A. : Ce n’est pas une pièce psychologique ou de situation. Difficile, donc, de répondre à cette question ! C’est un grand élan poétique traversé par la dérision et l’humour et une force débordante de lucidité. On ne peut pas la réduire à l’anecdote, même s’il y a une anecdote, celle d’un pape qui doit se faire photographier. La situation fait naître la question du rapport entre un être et son image. Il y a une grande solitude de ce personnage qui tente d’échapper au carcan spirituel où l’a enfermé son ambition. Car il y a un problème auquel on ne pense jamais : le pape n’a d’autre refuge possible dans la spiritualité que Dieu lui-même (le pape n’a pas de pape !) et si Dieu n’existe pas, le pape part en fumée, comme celle qui annonce son élection : « habemus papam », c’est-à-dire « habemus rien du tout ! » Ce qui m’enthousiasme, c’est de rétablir la dérision et la vitalité du verbe de Genet quand tout est devenu, aujourd’hui, si rigide et si hystérique en matière de religion. Ce pape est au fond un pauvre type, et Genet le considère avec une grande pitié, qui n’est pas une pitié complaisante mais une pitié faite d’une grande générosité.

Vous avez choisi d’interpréter Elle.

A.A. : Je me considère comme un artiste global qui peut faire des choses différentes. Quand j’aborde une matière théâtrale, je le fais comme un performeur. Je sais que je ne me prends pas pour un comédien, donc je sais faire ce qu’un comédien ne saurait pas faire. Je peux me sacrifier, me jeter à l’eau. C’est pour cela que je joue avec des prothèses, des masques et autres instruments de torture ! Je suis comme une matière pour les plasticiens, totalement disposé à m’abandonner à la fantasmagorie créatrice. Je ne cherche pas l’aspect psychologique des personnages mais tâche de révéler leur pouvoir poétique par l’aspect physique. Le dépassement physique crée la représentation. Un comédien dirait « enlevez-moi toutes ces prothèses car je me suffis à moi-même ». Moi, je dis le contraire…

Catherine Robert

A propos de l'événement

Alfredo Arias / Elle
du mercredi 7 mars 2018 au samedi 24 mars 2018
Athénée Théâtre Louis-Jouvet
square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75009 Paris

Le mardi à 19h ; du mercredi au samedi à 20h ; dimanche à 16h. Tél. : 01 53 05 19 19. A la Comédie de Picardie du 28 au 30 mars.

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