La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

A portée de crachat

A portée de crachat - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Mounir Margoum, mis en scène par Laurent Fréchuret. © Jean-Marc Lobbé

Théâtre du Rond-Point Mounir Margoum, mis en scène par Laurent Fréchuret.

Publié le 13 mars 2014 - N° 218

Mounir Margoum et Laurent Fréchuret conjuguent leurs talents et font entendre le monologue de Taher Najib. Entre enlisement et désir de vivre, un comédien palestinien traverse les frontières et  demeure prisonnier du conflit. 

Comme il l’a aussi prouvé dans le splendide poème dramatique Sainte dans l’incendie, monologue qu’il a écrit et mis en scène avec Laurence Vielle, Laurent Fréchuret aime que les acteurs s’exposent, donnent corps au texte, le fassent résonner et vivre intensément par la force miraculeuse de leur interprétation. Un plateau nu, et l’acteur simplement et radicalement en dialogue avec le public, soutenu par une mise en scène discrète et judicieuse. A Portée de crachat est aussi un monologue, dense, fluide et percutant, traversé d’humour souvent acide, d’ironie désenchantée, et porté avec finesse et justesse par l’excellent acteur Mounir Margoum. Ecrite en hébreu puis en arabe, cette première pièce de l’acteur et metteur en scène Taher Najib, né en Israël en Galilée en 1970, met en scène un comédien palestinien confronté aux rôles que les autres lui assignent. Guerrier arabe vengeur qu’il incarne sur une scène de théâtre, djihadiste, terroriste potentiel… A Ramallah, dans les aéroports (et singulièrement la veille d’un 11 septembre), à Tel Aviv, à Paris, – où il connaît une heureuse parenthèse à fond la caisse dans les rues à bicyclette avec sa petite amie – : rien n’est simple, tout s’inscrit dans l’imbroglio politique réducteur et castrateur. L’œuvre comporte une part autobiographique : l’auteur arabe israélien se définit comme palestinien. Des nationalités et identités brouillées et conflictuelles donc. A l’aéroport parisien : « Pourquoi deux nationalités ? » demande-t-on. « Deux ? Je n’en ai même pas vraiment une. » répond-il.

Plaisir du dire

Point de mire, le jeune homme ne peut échapper à la catégorisation immédiate, aux présupposés ambiants, et sous les projecteurs le jeu de l’acteur remarquablement nuancé, plein et vif répercute ce mal-être. Le plaisir du dire et du sens de ce dire est évident, et la mise en scène l’accompagne subtilement. Allusion au passage à la colonialisation et donc à la façon dont la France a traité les Arabes de chaque côté de la Méditérranée. Ancrée dans le vécu, la pièce n’est pas là pour alimenter l’antisionisme très en vogue et haineux, évidemment antisémite, et nourri de la conviction débile qu’Israël et les Israéliens incarnent le capitalisme sauvage et le racisme. L’oeuvre a été primée en Israël et a tourné dans de nombreux pays. Dépassant le politique, ou plutôt malgré le politique qui investit le quotidien, c’est l’humain qui s’exprime dans son désir de vivre. Désir qui invite à repousser loin les idéologies, qui appelle la paix et la justice, en adresse directe au public. Comme le souligne Laurent Fréchuret : « L’espace politique se définit par ses frontières, l’espace théâtral est infini. »

A propos de l'événement

A portée de crachat
du mercredi 12 mars 2014 au samedi 12 avril 2014
Théâtre du Rond-Point
Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris.

A 18h30, relâche les lundis et le 16 mars. Tél : 01 44 95 98 21.

Durée : 1h15. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2012.

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